L’aigle du premier tombeau de l’Empereur de retour aux Invalides
#ortf News : Ancien gardien du premier tombeau de Napoléon, cette statue veille désormais sur son héritage.
Cet hiver 2025 marque un moment fort dans la mise en valeur du patrimoine napoléonien. En effet, la statue monumentale d’une aigle impériale, longtemps égarée puis retrouvée par hasard en Normandie, vient d’être installée, début décembre, dans l’une des galeries du musée de l’Armée de l’hôtel des Invalides, au-dessus d’une vitrine abritant les souvenirs de l’Empereur, comme l’épée d’Austerlitz ou encore le bicorne d’Eylau. Cette œuvre, qui avait autrefois surplombé le premier tombeau de l’Empereur lors du retour de ses cendres en 1840, revient ainsi symboliquement près de l’homme sur lequel elle avait veillé pendant près de vingt ans, de 1840 à 1861.
Le tombeau provisoire de l'Empereur
Pour comprendre pleinement l’importance de cette sculpture, il faut remonter aux événements entourant le retour des cendres de Napoléon en France, en 1840. À l’initiative du roi des Français Louis-Philippe, le rapatriement du corps de l’Empereur fit l’objet d’un événement national solennel à Paris. Sa dépouille, arrivée à Paris le 15 décembre, fut transférée en cortège jusqu’aux Invalides où elle fut déposée dans un tombeau provisoire installé dans la chapelle Saint-Jérôme, attenante au Dôme. Cette dernière fut richement décorée de tentures, d’étendards et entourés de quatre aigles impériaux surplombant le catafalque impérial.
Néanmoins, ce tombeau n’était que temporaire. Le lieu apparaissait alors trop exigu et trop modeste pour accueillir la dépouille d’un souverain comme Napoléon, dont l’action avait façonné l’Histoire de France et de l’Europe. Ainsi, dès janvier 1841, Louis-Philippe ordonna la construction d’un monument funéraire définitif, un projet qu’il confia à l’architecte Louis Visconti. Les travaux durèrent alors vingt ans. En 1861, sous le règne de Napoléon III, la dépouille de l’Empereur fut enfin déplacée dans ce grand sarcophage en quartzite rouge, que nous connaissons tous, sous la coupole des Invalides, au centre d’une rotonde circulaire entourée de douze statues de victoires.
Lors de ce transfert, le décor du tombeau provisoire fut démonté. Les éléments sculptés, comme l’aigle, disparurent alors, ouvrant la voie à un destin inattendu.
L’aigle impériale
Ce n’est que 160 ans plus tard que la sculpture fut retrouvée par hasard, en 2021, dans le prieuré désaffecté de Saint-Hymer, dans le Calvados, par l’ancien sous-préfet de Lisieux, Guillaume Lericolais, lors d’une visite. L’aigle elle-même est un élément spectaculaire par sa taille et sa présence. En effet, la sculpture mesure environ 2,80 mètres d’envergure pour 1,10 mètre de hauteur.
L’identification fut plus tard confirmée, après expertise, par la DRAC de Normandie et le musée de l’Armée, qui purent établir son histoire. Placée au-dessus du premier tombeau de l’Empereur, l’aigle fut offerte par Napoléon III à l’ancien officier peintre Jean-Charles Langlois, vétéran de Waterloo, qui l’installa dans sa propriété normande où elle tomba dans l'oubli durant des générations.
Aujourd’hui restaurée, l’aigle a rejoint l’hôtel des Invalides. Prenant son envol, elle a été placée en surplomb d’objets personnels de Napoléon afin de souligner son rôle de gardien symbolique de la mémoire impériale, renouant ainsi avec sa fonction originelle.
Une œuvre lourde de sens
L’aigle, au sens large, fut un symbole central de l’Empire napoléonien. Inspiré de l’aquila des légions romaines (l'aigle romaine), il fut adopté comme emblème officiel par le décret impérial du 21 messidor an XII, soit le 10 juillet 1804. Les armes de Napoléon Ier, empereur des Français, se décrivaient ainsi : « D'azur à l'aigle impériale d'or, empiétant un foudre du même ». Cette aigle ornait alors les drapeaux des régiments et symbolisait la puissance et l’autorité du régime napoléonien.
L'aigle symbolisait à la fois la France impériale et la figure de l’Empereur dominant le destin de la nation, mais rappelait également la continuité historique dans laquelle s’inscrivait l’Empire, celle de la Rome antique, des empereurs romains et de ceux qui héritèrent de leur pouvoir comme Charlemagne.
En retrouvant sa place dans l’espace monumental des Invalides, cette statue ne se contente pas également d’être un simple objet décoratif : elle concrétise visuellement pour le visiteur le chapitre du retour des cendres et du tombeau provisoire de l’Empereur, elle renforce la compréhension de l’histoire napoléonienne.

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