L’argent fait (beaucoup) mieux que l’or : pourquoi il flambe de 130% et comment en profiter
#ortf-news : À la fois valeur refuge et métal industriel, le cours de l’argent ne cesse de battre des records. Tirée par la transition énergétique et l’industrie photovoltaïque ainsi que la demande des particuliers, la demande dépasse l’offre, faisant grimpant les cours. Moins cher que l’or, l’argent reste une aubaine pour les investisseurs.
On l’appelle parfois «l’or du pauvre», car il constitue une alternative beaucoup plus accessible, en termes de prix, au métal doré. Et pourtant, en 2025, l’argent fait beaucoup mieux que l’or. Si l’or a réalisé une année incroyable avec plus de 64% de hausse (4.320 dollars l’once) et de nombreux records, l’argent, lui, affiche plus de 127% de performance et, là aussi, des niveaux historiques. Ainsi, jeudi 18 décembre, l’once d’argent équivalent à 31,10 grammes a atteint 66,62 dollars. Du jamais vu. Et son prix peut encore grimper. L’offre étant inférieure à la demande. L’argent, qui a longtemps été une monnaie d’échange, est toujours considéré comme une réserve de valeur, comme l’or, en temps de crise. Il est aussi utilisé comme matériau dans la joaillerie. Cependant, cela ne suffit pas à expliquer pourquoi l’argent est actuellement très recherché.
«Au-delà de son statut de valeur refuge, l’argent est également un catalyseur d’innovation et un matériau indispensable à l’essor de l’électronique et de l’énergie moderne», explique Alexandre Carrier, gérant du fonds DNCA Invest Strategic Ressources chez DNCA Finance. «L’argent monte surtout pour son deuxième rôle, qui est un rôle industriel», confirme Benjamin Louvet, directeur des gestions matières premières chez Ofi Invest AM. «Il se trouve que l’argent est le métal qui conduit le mieux l’électricité au monde» complète-t-il. Avec des performances supérieures à l’or ou encore le cuivre, déjà très utilisés dans l’industrie de l’énergie et de l’électronique.
Un métal nécessaire à la transition énergétique
«On l’utilise dans de nombreux usages industriels et, plus particulièrement, dans les technologies bas carbone pour fabriquer notamment des panneaux solaires ou des batteries de véhicules électriques», ajoute-t-il. «Ces deux secteurs, qui n’existaient pas ou étaient juste naissants il y a quinze ans, représentent aujourd’hui plus de 30% de la demande mondiale d’argent !», d’après le gérant en matières premières qui a publié le livre Métaux, le nouvel or noir, aux éditions du Rocher. Et les besoins devraient continuer à grimper. «Selon le Silver Institute, on pourrait monter assez rapidement à 40% de la demande mondiale, rien que pour ces secteurs», précise Benjamin Louvet. «La Chine est un grand consommateur d’argent. Ce pays investit massivement dans les projets photovoltaïques afin de réduire la part d’énergie charbon dans son mix énergétique», explique Alexandre Carrier. Cependant, l’offre reste limitée malgré les besoins.
«Le déficit est le résultat d’un déséquilibre entre la demande et une offre qui a dû mal à suivre en raison d’investissements insuffisants dans de nouveaux gisements et il est peu probable, au regard des projets en cours, que le déficit se résorbe dans les prochaines années», prédit Alexandre Carrier, de DNCA Finance. «Le pic de production minière de l’argent a été atteint en 2019», affirme Benjamin Louvet qui se fonde sur l’évolution des chiffres de la production ces dernières années. Celle-ci ne devrait pas progresser à court terme, même si un nouveau gisement important était identifié dans les prochains mois. «Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), il faut 17 ans pour ouvrir une nouvelle mine», rappelle le directeur des gestions matières premières chez Ofi Invest AM. «Pour la cinquième année consécutive, le marché de l’argent est en déficit», explique-t-il. «Le recyclage, qui représente environ 20% de la demande, ne suffit pas», ajoute Alexandre Carrier.
Un cours stimulé par des tensions liées à la guerre commerciale américaine et le succès des ETC argent
Au-delà de la course à la transition énergétique, d’autres éléments plaident en faveur d’une hausse de la demande d’argent dans le monde. Les décisions de l’administration Trump, en pleine guerre commerciale, ont également tendu le marché. «Le département géologique américain a placé l’argent sur la liste des «métaux critiques» ouvrant la possibilité à la mise en place de taxes. Par conséquent, beaucoup d’acteurs américains ont acheté et fait livrer d’importantes quantités d’argent aux États-Unis par anticipation, explique Benjamin Louvet. Cette situation a provoqué une tension sur les stocks, notamment à Londres, place de référence sur les métaux précieux».
L’autre raison est le succès des ETC (Exchange Traded Commodities)adossés à l’argent, produits semblables aux ETF (Exchange Traded Funds). Ces instruments financiers cotés répliquent la performance des cours du métal. Les gestionnaires d’actifs qui commercialisent ces produits sont tenus de conserver du métal physique à hauteur des encours détenus. «Cela a créé énormément de tension et il était difficile d’acheter la quantité équivalente en argent», ajoute Benjamin Louvet.
Ruée vers l’or et l’argent en Inde
Enfin, les fêtes religieuses en Inde, comme celle de Divali en novembre, sont propices à des ruées vers les métaux précieux comme l’or mais aussi l’argent. «Les Indiens offrent de toutes petites quantités de métaux précieux dans les temples, explique Benjamin Louvet. Comme le prix de l’or a fortement grimpé cette année, il y a eu pas mal de reports sur l’argent. On a donc vu une très forte demande d’argent en Inde, qui s’est soldée par des commerces en pénurie». «Quand on est un particulier et que l’on veut acheter de l’or, quand ça devient trop cher, on se tourne naturellement vers d’autres métaux précieux, comme l’argent», confirme Alexandre Carrier. «Prochainement, la saison des mariages va commencer en Inde, où la dot de la mariée est souvent en or et en argent pour des raisons juridiques et culturelles. Cette année, la saison des mariages s’annonce importante. Il n’est donc pas exclu de voir, là aussi, un report d’une partie de la demande sur l’argent. . Il y a de bonnes raisons selon nous de rester optimiste sur le cours de l’argent», complète le directeur des gestions matières premières chez Ofi Invest AM
Détention physique, compte-titres, assurance vie... De nombreuses possibilités pour investir sur l’argent
Pour profiter de l’euphorie autour de l’argent, plusieurs moyens sont à la portée des investisseurs particuliers. Pour les personnes possédant un compte-titres, il est possible d’investir sur l’argent par le biais d’ETC. Ces Exchange Traded Commodities répliquent la performance du cours de l’argent. Ils sont généralement libellés en dollars; par conséquent, quand l’euro s’apprécie face au billet vert, comme au cours de cette année 2025, les performances sont réduites pour un investisseur européen. Les émetteurs de ces instruments cotés stockent des lingots d’argent équivalents aux encours détenus. De nombreuses maisons de gestion proposent également des fonds gérés activement sur les métaux précieux (or, argent, palladium...) et sur les métaux industriels (argent, cuivre...) pouvant être logés dans un contrat d’assurance vie. Par exemple, le fonds DNCA Invest Strategic Ressources répartit ses investissements entre dix métaux stratégiques (précieux ou industriels) et permet ainsi de diversifier son épargne sur d’autres matières premières à fort potentiel, comme le cuivre ou l’or. Chez Ofi Invest AM, le fonds Ofi Invest Precious Metals propose une exposition indirecte (obtenue via des swaps, des contrats d’échange) à 35% sur l’or, 20% sur l’argent, 20% sur la platine, 5% sur le palladium et 20% sur un taux monétaire en dollars (SOFR 3 mois). Avant de choisir un ETC ou un fonds, il convient d’étudier plusieurs paramètres comme ses frais, son antériorité, ses performances passées et son encours.
Ces solutions ont l’avantage d’être exposées au cours de ces métaux tout en supprimant la contrainte de la détention physique. «La masse volumique de l’argent n’est pas celle de l’or, rappelle Benjamin Louvet. Stocker une même valeur en or et en argent ne prend pas du tout la même place. L’autre problème c’est que l’argent se ternit avec le temps, ça nécessite un peu plus d’entretien que l’or», ajoute-t-il.
L’achat physique reste une option. Le prix d’un lingot d’un kilo d’argent tourne autour de 2000 euros, hors frais. Il faut aussi prévoir un endroit sécurisé pour le stocker... Cependant, il est possible d’investir dans des pièces et des lingots d’argent sans avoir à les posséder chez soi. C’est ce que propose Aucoffre.com. Cet acteur permet d’investir sur des pièces et des lingots d’or ou d’argent qui resteront stockés, contre quelques frais, dans des coffres en Suisse situés dans une zone douanière échappant aux différentes taxes à l’achat. En France, l’achat d’argent est soumis à la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) à hauteur de 20%. Étant situé en zone franche, le métal acheté sur Aucoffre.com échappe ainsi à cette TVA. En cas de revente, les éventuelles plus-values sont taxées à hauteur de 36,2%. Un abattement de 5% s’applique au-delà de la 2e année de détention, tandis que l’exonération devient totale au-delà de 22 ans de détention.
Enfin, VeraCash, autre filiale du groupe Aucoffre.com, propose d’ouvrir un compte pour investir sur l’or et l’argent (moyennant des frais de commission pour l’achat) relié à une carte de paiement. Les utilisateurs peuvent donc régler leurs achats en s’appuyant sur la valorisation de leurs avoirs détenus. Pour éviter, une éventuelle taxation sur les plus-values, l’entreprise propose d’investir sur des «jetons». «Ces jetons rentrent dans la catégorie fiscale des bijoux et assimilés, puisqu’ils n’ont jamais eu de pouvoir monétaire en soi. Ce sont juste des bijoux qui ont la forme d’une pièce ou d’une médaille», explique Anthony Busco, responsable commercial chez Veracash. «Ces bijoux bénéficient d’une exonération de taxes sur les plus-values tant que la cession reste inférieure à 5 000 euros».
Par Romain Delacroix, Le Figaro

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